Écouter l’autre sans s’emparer de sa parole est difficile. Cela suppose disponibilité et décentration.
Ecouter, c’est accueillir ce qui s’exprime sans porter de jugement, en tentant de comprendre le monde intérieur de l’autre dans son système de références à lui.
Ecouter activement, c’est permettre à l’autre d’en dire plus et de s’entendre lui-même lorsque je reprends ou résume ce qu’il vient de dire, ce que j’ai entendu ou du moins ce que j’ai compris dans ce qu’il a dit.
C’est aussi proposer des questions ouvertes, celles auxquelles on ne peut répondre par oui ou par non, celles qui demandent comment et non pourquoi, celles qui ramènent l’autre à lui-même « et toi, comment l’as-tu vécu ? qu’as-tu ressenti ? »
Nous sommes habitués à poser des questions qui induisent la réponse : « et tu n’as pas trouvé cela injuste ? », « pourquoi ne le quittes-tu pas ? »
Pour écouter il me faut d’abord me taire, faire taire ma réactivité qui est le principal obstacle à l’écoute. Si ce que dit l’autre me touche, en moi vont se bousculer des besoins de m’exprimer, d’expliquer, de convaincre, de porter un jugement, de dire mes sentiments ou mes idées.
Plus l’autre est proche, plus seront vives les émotions suscitées en moi par sa parole.
Et si c’est de sa relation à moi qu’il parle, mes peurs, mes désirs, le ressentiment en moi, mes projections entraveront d’autant plus mon écoute. C’est ce qui rend la communication intime si difficile, si fragile. Chaque mot de l’autre peut réactiver en moi ma peur de ne pas être à la hauteur, d’être rejeté, de ne plus être aimé.
Ecouter, c’est renoncer –pour un temps du moins- à répondre et à s’emparer de ce que dit l’autre pour placer son propre avis.
La simultanéité de l’expression est impossible, il ne peut y avoir qu’une écoute alternée. Mais bien des dialogues ressemblent à une lutte pour capter l’oreille de l’autre.
« Depuis quelques années, j’ai retrouvé le dialogue avec ma mère…
– Oh, moi, c’est impossible, la mienne ne m’écoute jamais…
– Je l’ai vue hier et nous avons parlé de nos croyances
– Avec mon père, c’est plus facile »
Dans ce jeu, de demandes croisées, chacun espère l’écoute et l’attention de l’autre.
Lorsque je ne me sens pas écouté, pas entendu, je porte aussi une responsabilité. Peut-être me suis-je exprimé de façon trop peu claire, trop indirecte, en espérant que l’autre devinerait. Peut-être n’ai-je pas osé exprimer ma demande : « j’aimerais te parler », « j’aimerais que tu m’écoutes », « j’aimerais te dire comment, moi, j’ai vécu cela ».
Il y a un grand désir, plus ou moins caché au cœur de chacun, de pouvoir se dire sans être jugé, sans être récupéré, ni rassuré, ni rejeté, ni étiqueté. Simplement être entendu pour mieux s’entendre soi-même.
merci à Jacques Salomé